After sous le chapiteau

Une histoire des usines Lip

Besançon été 1973. Suite au rachat de l’usine Lip, un plan de licenciement est annoncé : ils sont « les 480 à dégager ». Débute alors pour les ouvriers et les ouvrières de l’usine, fleuron de l’horlogerie française, une des grèves les plus emblématiques de la fin des « Trente Glorieuses », qui rencontrera un écho européen presque mythifié dans l’histoire ouvrière. Le « conflit Lip » durera jusqu’en 1976, les ouvriers s’organiseront et s’empareront de leur outil de fabrication de montres, celles-ci seront cachées et écoulées en « vente sauvage »…

C’est aussi une lutte avec ses parts d’ombres, ses ambivalences et une prise de conscience de la condition des femmes ouvrières qui pour certaines rejoindront les mouvements féministes. « L’ouvrier c’est le paria de la société, ça on l’a bien vu, mais l’ouvrière, c’est la paria des ouvriers ». Le combat depuis les balbutiements de réunions en non mixité jusqu’à la parution d’une gazette Lip au féminin, est une lutte dans la lutte.

Parfaitement documenté et écrit, le spectacle « on fabrique, on vend, on se paie », démarre par la triste fin du conflit puis nous immerge en flash-back dans l’histoire de Lip, de ses assemblées générales à la grande marche du 29 septembre 1973, au cœur de leur bataille.

« Je pense que l’héritage de cette histoire c’est l’auto-formation de ces gens-là, et quand on apprend que ça a eu lieu et qu’on plonge dans cette histoire, on ne peut que se dire que c’est possible. Il y a énormément de lumière dans la lutte, ces personnes se sont révélées dans ce combat, des amitiés se sont créées, et c’est tout ça que ce spectacle veut raconter. »

La metteuse en scène Anouk Darne-Tanguille et son équipe à l’interprétation parfaite nous offrent un beau spectacle dont les échos résonnent fortement avec les dérives du supralibéralisme actuel. Du théâtre inventif et sincère qui émeut, amuse et donne espoir… Profondément humain !